La fraternité vaincue par la criminalisation des solidarités

6 juillet 2018 – 6 juillet 2019

La fraternité vaincue par la criminalisation des solidarités

Sommaire

Le bilan d’un an de poursuites de personnes en raison de leur solidarité est particulièrement lourd :

  • 16 poursuites pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers »: 15 condamnations souvent très lourdes, une seule relaxe (voir la partie II),

  • 15 poursuites sous d’autres prétextes : 8 condamnations, 7 relaxes : toujours plus d’inventivité dans les motifs de poursuites (voir la partie III),

  • sans compter de multiples harcèlements et dissuasions (voir la partie IV).

Le 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel avait pourtant reconnu le principe de fraternité et la liberté d’aider autrui. Pour comprendre comment cette décision et sa transposition incomplète par la loi du 10 septembre 2018 ont permis de si nombreuses condamnations, voir l’analyse juridique de la partie I.

En raison de l’importance de cette rétrospective, ce numéro 2 de la Gazette du collectif Délinquants solidaires est bien plus long que les gazettes à venir.

I. Le principe de fraternité est reconnu mais le « délit de solidarité » se porte bien

A. Contexte : criminalisation de la solidarité à la frontière France-Italie

« Depuis le 13 novembre 2015, le président de la République a rétabli les contrôles aux frontières intérieures et mis en œuvre l’état d’urgence. Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures était initialement prévu pour la durée de l’organisation de la COP 21 (Conférence des Nations Unies pour le climat), c’est à dire du 13 novembre au 13 décembre 2015, mais les attentats du 13 novembre 2015 ont conduit à sa prolongation, motivée par la déclaration de l’état d’urgence. Depuis ce jour, il est périodiquement reconduit » (Anafe, Note d’analyse, 4 mai 2017). À son tour l’Italie renforçait ses contrôles frontaliers en 2016.

« Devenue un espace militarisé et contrôlé, la frontière franco-italienne est depuis 2016 l’illustration de politiques migratoires visant à refouler les personnes dites migrantes au mépris de leurs droits fondamentaux : contrôles au faciès, renvois forcés sans respect des procédures, non-respect des droits des mineurs isolés ou des demandeurs d’asile, privation de liberté dans des conditions indignes et sans cadre légal » (Migreurop, « Cristallisation des violences et violations des droits » à la frontière franco-italienne). C’est la présentation d’une intéressante carte de la vallée de la Roya, terrain de chasse aux étrangers, issue de  son Atlas des Migrants en Europe. Approches critiques des politiques migratoires, Paris, Armand Colin, paru en 2017.

Les médias se sont alors largement fait l’écho de nombreuses solidarités dans cette vallée de la Roya. « À la fois cul de sac et point de passage de l’Italie vers la France, la vallée de la Roya voit chaque jour des dizaines de migrants se perdre sur les routes et les chemins de montagne. Spontanément, des habitants leur viennent en aide, malgré une pression politique, policière et judiciaire croissante » (Bastamag, 22 octobre 2016).

Deux condamnations pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers (qualifié couramment de « délit de solidarité ») ont été emblématiques. Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni avaient été condamnés par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence pour des actes dont le but humanitaire était notoire ; la Cour refusait de considérer leurs actions comme désintéressées car elles « s’inscrivaient de manière plus générale, […], dans une démarche d’action militante en vue de soustraire des étrangers aux contrôles mis en œuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration ».

Tous deux se sont pourvus devant la Cour de cassation en invoquant l’inconstitutionnalité des dispositions qui avaient servi de fondement à leurs condamnations  notamment en raison de l’atteinte portée au principe de fraternité. La Cour, par deux décisions du 9 mai 2018, a accepté de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil. De nombreuses organisations, pour la plupart membres du collectif Délinquants solidaires étaient intervenantes volontaires.

Pour un dossier comportant toutes les pièces de la procédure et l’enregistrement de l’audience, voir : QPC « délit de solidarité » sur le site du Gisti.

B. 6 juillet 2018 : reconnaissance du principe de fraternité et de la liberté d’aider autrui

Extraits de la décision

« Aux termes de l’article 2 de la Constitution : La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l’ « idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Il en ressort que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle.

Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».

Le principe de fraternité peut désormais être invoqué devant les juridictions :

« À l’instar de la liberté et de l’égalité qui sont les deux autres termes de la devise de notre République, la fraternité devra être respectée comme principe constitutionnel par le législateur et elle pourra être invoquée devant les juridictions. […] Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national » (Laurent Fabius, 6 juillet 2018).

Les optimistes célébraient alors la fin de la criminalisation de la solidarité au nom du principe de fraternité. Mais, en lisant plus loin la décision, on en voit aussitôt les limites…

« Toutefois, aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle.

Dès lors, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public ».

C. 10 septembre 2018 : une adaptation minimaliste du « délit de solidarité »

1. L’état du droit jusqu’au 10 septembre 2017

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 € » (art. L. 622-1). Ces termes sont quasiment inamovibles depuis un décret-loi de 1938.

En revanche, plusieurs réformes successives ont prétendu répondre aux nombreuses voix qui dénonçaient l’amalgame entre, d’une part, le « passeur », auteur de traite et d’exploitation des migrantes et des migrants et, d’autre part, la personne qui apporte une aide désintéressée soit à l’un de ses proches, soit par solidarité – ce que, depuis 2003, les organisations solidaires ont baptisé « délit de solidarité » (terme repris par une circulaire du 11 septembre 2018 qui mentionne le délit « dit de solidarité »).

Périodiquement, un projet de loi ou de nouvelles pratiques particulièrement violentes à l’égard des « délinquants de la solidarité », a suscité de très amples mobilisations de soutien à la solidarité même manifestée par un acte de désobéissance civile. Pour calmer les contestataires les plus influents, des réponses minimalistes ont suivi et c’est ainsi que des exemptions pénales en cas d’aide au séjour irrégulier prétendant mettre fin au délit de solidarité ont été introduites et constamment modifiées entre 1996 et 2017 (Ceseda, art. L. 622-4).

Pour suivre l’histoire de ces évolutions de 1938 à 2017, voir les articles Émergence et consécration du « délit de solidarité » et Les étapes de la législation.

Pour une aide au séjour régulier, l’article L. 622-4, 3° prévoyait (depuis 2012) – outre des exemptions familiales – une « exemption humanitaire » seulement pour une aide au séjour irrégulier « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait :

– à fournir des conseils juridiques,

– ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger,

– ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

Pour une aide à l’entrée irrégulière, aucune exemption n’était prévue. Or, selon l’article L. 622-1 du Ceseda, la facilitation de l’entrée irrégulière porte sur l’entrée en France, mais aussi dans l’un des 25 autres pays de l’espace Schengen ou dans l’un des 146 autres États signataires de la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée (alinéas 1, 3 et 4 de l’article L. 622-1). Il en va de même pour l’aide à l’entrée irrégulière en France depuis un autre État de l’espace Schengen. L’entrée irrégulière comprend donc soit l’entrée en France (apportée en France ou dans un pays frontalier), soit d’un transit depuis la France pour entrer irrégulièrement dans un pays voisin. Il s’agit donc de tout franchissement irrégulier des frontières entre la France et les États voisins.

L’aide à la circulation irrégulière était moins bien définie. Le droit européen ne prévoit qu’une facilitation du « transit » par ou vers la France ce qui, d’après ce qui précède, entre dans le cadre de l’entrée irrégulière. Quant à la circulation interne à la France, son interprétation par la jurisprudence était très variable.

Dans le cadre des débats parlementaires préalables à la loi du 10 septembre, le collectif Délinquants  solidaires avait élaboré une analyse de ce dispositif législatif intitulée « Pour mettre hors-la-loi le « délit de solidarité » (sur le site delinquantssolidaires.org ou en ligne sur le site du Gisti avec hyperliens). Il établissait que la pénalisation de la facilitation de l’entrée et du séjour irrégulier est surabondante dans la mesure où le code pénal prévoit déjà tous les délits susceptibles d’être invoqués pour poursuivre les auteur⋅e⋅s d’exploitation des personnes migrantes, de sorte que l’article L. 622-1 pourrait être purement et simplement abrogé. Mais dans la mesure où, en l’état du droit européen, obligation est faite aux États membres de pénaliser, sous certaines conditions, l’aide à l’entrée, au transit ou au séjour des personnes étrangères en situation irrégulière, il proposait un amendement à la rédaction de cet article destiné à en clarifier des formulations ambiguës (par exemple l’expression « sans contrepartie directe ou indirecte ») de telle sorte que le « délit de solidarité » en soit clairement exclu. Dès lors, la liste d’exemptions de l’article L. 622-4 qui, par nature, ne saurait désigner exhaustivement tous les « délits de solidarité » aurait été superflue. Cet amendement introduit par certains députés a été rapidement évacué par le ministre de l’intérieur.

2. Ce qu’en dit le Conseil constitutionnel

  • La fraternité s’arrête aux frontières

Le Conseil valide la définition du délit (art. L. 622-1) et l’absence de toute clause d’immunité dans le cas d’une aide à un franchissement des frontières terrestres de la France.

  • Exemptions pénales pour une facilitation de la circulation irrégulière sans franchissement des frontières

« L’aide apportée à l’étranger pour sa circulation n’a pas nécessairement pour conséquence, à la différence de celle apportée à son entrée, de faire naître une situation illicite. Dès lors, en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ».

Les exemptions doivent donc porter sur l’aide à la circulation dans la mesure où désormais ce terme ne concerne que la circulation sans franchissement des frontières.

  • Extension des exemptions humanitaires à toute aide à la circulation ou au séjour irréguliers si elle est apportée « dans un but humanitaire »

La Cour ajoute en effet une « réserve d’interprétation :

« Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe de fraternité, être interprétées autrement que comme s’appliquant en outre à tout autre acte d’aide apportée dans un but humanitaire ».

3. Une traduction restrictive dans la loi du 10 septembre 2018

La loi devait se conformer à la décision du Conseil constitutionnel. Une fois de plus, la réforme ne porte donc que sur les immunités humanitaires qui continuent à exclure tout franchissement de frontière.

Ces immunités s’appliquent désormais à l’aide à la circulation [sans franchissement de frontière] ou au séjour irréguliers d’un étranger ou d’une étrangère lorsqu’elle est le fait :

« De toute personne physique ou morale lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire » (Ceseda, art. L. 622-4, 3°).

Cette modification s’applique depuis le 11 septembre 2018 y compris aux infractions déjà commises (Instruction du ministre de l’intérieur relative aux dispositions immédiatement applicables de la loi du 10 septembre 2018, §3.3 et Circulaire du garde de Sceaux du 5 novembre 2018 présentant les dispositions de droit pénal immédiatement applicables de la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie).

La réserve d’interprétation de Conseil consistait en une aide désintéressée apportée dans un but humanitaire ; la loi française remplace « but humanitaire » par « but exclusivement humanitaire ».

Cet « exclusivement » change tout ! Comment en effet prouver l’existence d’un but « exclusif » de tout autre ? Par exemple, comme on va le voir ci-dessous, un acte humanitaire mené dans le cadre d’un engagement militant pourrait cesser d’être « exclusivement » humanitaire.

Références :

Serge Slama, « La fraternité est constitutionnelle mais la solidarité reste un délit », AOC, 13 juillet 2018, Médiapart, Le blog de Paul Cassia, 9 juillet 2018

Paul Cassia, « Ce qui reste(ra) du délit de solidarité », Club Mediapart – Le blog de Paul Gassiat, 9 juil. 2018

Véronique Champeil-Desplats, « Le principe constitutionnel de fraternité : entretien avec Patrice Spinosi et Nicolas Hervieu », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 15-2019, mis en ligne le 10 janvier 2019 ; DOI : 10.4000/revdh.5881

II. Un an de poursuites pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers…

15 condamnations de personnes solidaires pour ce motif avec des peines parfois très lourdes, une seule relaxe : c’est le record de ce que nous avons pu relever pour les années antérieures[1]. On observe aussi qu’un acte accompli dans le cadre d’une action militante est plus coupable qu’un autre…

Remarque : ce qui suit n’a aucune prétention à l’exhaustivité. En effet, la plupart des cas d’incriminations que nous connaissons et présentons dans ce document sont issues d’aides apportées dans le cadre d’un engagement militant parce qu’elles sont alors soutenues par des organisations qui relaient l’information. Mais il y a aussi bien des personnes poursuivies pour « délit de solidarité » à la suite d’un acte individuel accompli par humanisme, pour aider un proche, par hasard (en véhiculant une personne prise en stop), par profession (chauffeur d’un bus ou d’un taxi qui n’a pas à demander les papiers de son client), etc. Il est alors rare que nous puissions le savoir.

A. Aide au séjour et à la circulation irréguliers

1. Pas d’exemption humanitaire en raison d’un engagement militant

Il avait tenté de véhiculer quatre personnes étrangères arrivées en France sur une distance de 7 km de la gare à l’hébergement de Cédric Herrou afin qu’elles puissent être à l’abri puis déposer leur demande d’asile.

En première instance son exemption humanitaire avait été rejetée sur le fondement de la législation alors en vigueur c’est à dire de l’absence de « situation de danger [de] l’intégrité physique » des personnes véhiculées (TGI Nice, 2 octobre 2017, 2938/17) et il avait été condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis.

En appel, la cour reconnaît que le délit d’entrée n’est pas constitué et ne remet pas en cause l’absence de contrepartie directe ou indirecte.  Elle juge cependant que l’aide n’a pas été apportée « dans un but exclusivement humanitaire » car : « Les actes de R. qui sont dépourvus de toute spontanéité et constituent une intervention sur commande sans connaissance de l’éventuelle situation de détresse des migrants qu’il savait avoir pénétré illégalement en France, se sont inscrits […] dans le cadre d’une action militante en vue de soustraire sciemment des personnes étrangères aux contrôles mis en œuvre par les autorités ». R. est condamné  à deux mois d’emprisonnement avec sursis.

•   En attente de l’appréciation de la Cour d’appel de Lyon

Après la décision du Conseil constitutionnel les deux décisions de la cour d’appel d’Aix-en-Provence visant Cédric et Pierre-Alain ont été annulées et renvoyées à la Cour d’appel de Lyon. Or les condamnations de la Cour d’appel d’Aix (voir ci-dessus) se fondaient sur leurs engagements militants. Espérons que la Cour d’appel de Lyon ne confirmera pas la jurisprudence formulée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 7 janvier 2019.

2. Une décision de relaxe

Elle était poursuivie pour avoir, par aide directe, facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière en ayant pris en charge pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France (Résumé des faits).

« En poursuivant comme objectif premier la prise en charge de [deux jeunes] par l’État français, [elle] n’a à aucun moment cherché à se soustraire à la loi alors qu’elle a de sa propre initiative amené les deux mineurs auprès des autorités de police ; s’inscrivant ainsi dans le respect du droit et notamment de la CEDH […] et de la constitution française en son article 2, en poursuivant une action fraternelle dans un but humanitaire ».

Mais le parquet a fait appel le 25 juillet.

B. Aide à l’entrée en France ou au transit depuis la France

Il n’existe ici, comme on l’a vu ci-dessus, aucune immunité.

Toutefois le fait d’accomplir un acte de solidarité dans le cadre d’une mobilisation collective devient un facteur aggravant. Ainsi, dans l’affaire suivante, la participation à une marche collective de soutien aux personnes migrantes avait été poursuivie pour « délit de solidarité » aggravé parce que commis « en bande organisée » ; cette dernière circonstance aggravante n’a pas été retenue, mais les condamnations vont bien au-delà des peines qui – en général – frappent un acte de solidarité accompli sans but lucratif.

La plupart des personnes qui, au cours de l’année 2017-2018, ont été condamnées sont des habitants de zones frontalières amenées à secourir des personnes étrangères mises en danger par le verrouillage policier de ces frontières. Difficile dans ces cadres de distinguer l’aide à l’entrée et aide au séjour de l’aide à la circulation interne à la France.

1. Dix montagnards solidaires des Alpes dans la région de Briançon ont été très lourdement condamnés.

Bastien, Benoît, Eleonora, Jean-Luc, Lisa, Mathieu et Théo avaient été, en avril 2018, en tête d’une marche solidaire pour dénoncer les violences commises par le groupuscule identitaire à l’encontre des personnes exilées dans la région de Briançon et pour protester contre la militarisation de la frontière franco-italienne. Ils étaient tous poursuivis pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en France et dans l’espace Schengen « en bande organisée » et accusés d’avoir, le 22 avril 2018, facilité ou tenté de faciliter l’entrée en France d’une vingtaine d’étrangers.

Dans tous les cas « l’aide a consisté en l’occurrence à accompagner et encadrer [des personnes dont certaines étrangères] de telle manière qu’aucun contrôle de police n’a été possible matériellement » quatre d’entre eux « s’étant contentés de marcher dans les premiers rangs du cortège » constate le juge. La circonstance aggravante de bande organisée a été abandonnée car « il n’est pas établi qu’ils se connaissaient ».

La lourdeur des peines prononcées (conformes aux réquisitions du parquet) marque un tournant dangereux dans la répression des personnes solidaires.

– Benoît, Théo, Bastien, Lisa et Eleonora ont été condamnés à 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple.

– Jean-Luc était en outre poursuivi pour avoir, en septembre 2018, participé à un rassemblement après un ordre de dispersion et « en dissimulant volontairement son visage ». Il a été condamné à 12 mois d’emprisonnement dont 8 avec sursis simple et 4 fermes.

– Mathieu était en outre poursuivi pour rébellion pour avoir tenté de résister à sept policiers qui voulaient l’interpeller (voir ci-dessous en III). Il a été condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis.

Le 6 janvier 2018, la police de Montgenèvre avait procédé à un contrôle sur la zone de 20km bordant la frontière franco-italienne (à la suite d’un appel téléphonique anonyme). Pierre qui accompagnait trois personnes migrantes avait tenté, en vain, d’éviter leur interpellation suivie d’une expulsion. Il est condamné à 3 mois de prison avec sursis.

Au cours de la même audience deux autres montagnards solidaires comparaissaient :

Kevin, condamné à 4 mois de prison avec sursis

– Marie, condamnée à une peine d’amende.

2. Des condamnations en appel plus lourdes qu’en première instance et des motifs souvent surprenants

  1. est une militante de longue date (présentation par « Passeurs d’humanité »).

Elle avait été repérée par une patrouille franco-italienne alors qu’elle prenait en charge huit personnes originaires d’Érythrée et du Tchad sur un parking à Vintimille, puis interpellée au volant de son fourgon en France, sur l’autoroute.

D’abord condamnée à 1000€ d’amende (TGI de Nice, 19 mai 2017, n°1793-17), elle a été condamnée en appel à une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et une interdiction de séjourner dans le département des Alpes maritimes pendant 5 années. Pour justifier cette décision la Cour se contente d’une motivation constituée de banalités peu documentées: « Les faits sont d’une particulière gravité alors que l’immigration illégale contribue directement au développement de l’économie souterraine et de la délinquance notamment au sein des quartiers ; […] l’immigration clandestine génère un coût significatif pour les finances publiques […] ».

3. Aide à l’entrée en France d’un réfugié

Un Français d’origine pakistanaise avait aidé son ami pakistanais à entrer en France pour y demander l’asile en le guidant à distance. Celui-ci a, depuis, obtenu le statut de réfugié. Mais celui qui l’a aidé est condamné pour aide à l’entrée irrégulière à une amende de 300 € avec sursis ; il ne fait pas appel.

C. Des preuves variables, parfois étranges, de la culpabilité

Le ou la juge ne peut conclure à la culpabilité sans preuve des faits invoqués ; il ou elle se contente parfois de « preuves » surprenantes qui peuvent varier d’une juridiction à l’autre.

1. La situation irrégulière de la personne aidée
  1. est interpellé au péage de La Turbie dans le sens Italie-France ; un Éthiopien était dans sa voiture. L. déclare avoir voulu l’aider pour des motifs humanitaires.

Le TGI de Nice avait conclu à la relaxe aux motifs suivants : « Le délit d’aide à la circulation et au séjour irrégulier […] suppose pour être établi que soit établi la situation irrégulière de l’étranger. Celle-ci ne saurait résulter des seuls éléments contenus dans le procès verbal d’interprétation susvisé dès lors qu’ils ne sont pas complétés par un minimum de vérifications policière ». En outre : « la culpabilité ne peut être retenue sur la seule base de l’auto-incrimination, le délit poursuivi n’apparaît pas suffisamment caractérisé en l’absence d’enquête sur la situation administrative de l’étranger visé à la procédure » (TGI de Nice, 14 mars 2018, n° 805-18) .

En appel, la Cour infirme la prudence invoquée par le TGI en se contentant comme preuve du « fait qu’une personne était dissimulée par le dossier de la banquette arrière » car « il est évident que, si elle avait été en situation régulière, [L.] n’aurait pas éprouvé la nécessité de le véhiculer dans de telles conditions » L. est condamné  à une amende de 3 000€ avec sursis.

2. La connaissance de la situation irrégulière par celui ou celle qui est incriminée

Un habitant de la vallée de la Roya est incriminé pour avoir, un jour de grève SNCF, accepté de véhiculer deux personnes rencontrées à Vintimille jusqu’à La Turbie (Alpes-Maritimes). Comme c’est l’usage quand on prend une personne en stop, il le fait sans contrepartie et ne demande pas de document d’identité ou de séjour ; l’une des personnes avait d’ailleurs montré un document d’identité italien dans la boutique.

Pourtant, selon le juge, le caractère intentionnel de cette aide à l’entrée irrégulière en France ne fait pas de doute car un habitant de la vallée de la Roya ne peut pas ignorer que les personnes migrantes dans la vallée de la Roya… seraient systématiquement en situation irrégulière.

« La sensibilisation de la communauté des habitants de la vallée, et particulièrement de Breil sur Roya, à la problématique des migrants  est d’ailleurs parfaitement connue au travers [de] l’actualité et [des] mouvements activistes qui y sévissent »  – La condamnation est de six mois de prison avec sursis et 1000 € d’amende.

III. … et toujours plus d’inventivité dans les motifs de poursuites de l’aide aux exilés

A. Rébellion

Un contre sept … : Mathieu (l’un des « 7 de Briançon » voir ci-dessus p. 7) a été, en sus des poursuites pour aide à l’entrée et au séjour irréguliers, poursuivi pour rébellion pour avoir tenté d’échapper à sept policiers qui voulaient l’interpeller : il été condamné à 12 mois de prison avec sursis (6 mois pour celles et ceux qui n’étaient poursuivis que pour aide au franchissement de la frontière).

En outre, les sept des policiers s’étant  constitués partie civile en raison du  préjudice moral occasionné par sa résistance , l’un d’entre eux invoquant un préjudice corporel ensuite soumis à une expertise médicale : Mathieu est condamné à leur verser de lourdes sommes en dommages et intérêts.

B. Injure publique

1. Un « délit d’ironie » dans le Calaisis

Le 31 décembre 2017 : E. Macron déclare « N’oubliez jamais que nous sommes la Nation française ». Le 1er janvier 2018 : L., chargé de mission de l’Auberge des migrants, envoie un tweet avec une photo d’un policier prenant la couverture d’un migrant avec le dialogue suivant : Mais il fait 2° ! Peut-être mais nous sommes la République (voilà le tweet) Il est poursuivi pour « diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l’action publique ou un citoyen chargé d’un service public par parole, écrit ou moyen de communication au public par voie électronique« .
Le policier de la photographie s’est en outre constitué partie civile.

Il est condamné à une amende de 1500€ avec sursis simple et à payer 500€ de dommages intérêts au policier. Voici la motivation :

Attendu […] que « dans une société démocratique tout débordement n’est pas tolérable et que les abus doivent être sanctionnés dès lors qu’une personne est victime d’une attaque personnelle injuste, que notamment la tolérance élargie accordée aux militants s’exprimant à l’occasion de la cause dans laquelle ils sont engagés ne leur confère pas l’impunité lorsque leur manque de retenue et de mesure dans l’expression excède les limites admissibles […] de la liberté d’expression« .

→ Communiqué de Amnesty international : « Un défenseur des droits des migrants condamné pour un tweet »

  • CA de Douai, 24 juin 2019

La Cour d’appel de Douai a confirmé en tous points le jugement du TGI de Boulogne-sur-mer, tant sur la culpabilité que sur la peine et les dommages et intérêts.

2. Plainte pour injure publique par le préfet des Alpes-Maritimes contre Cédric Herrou

  • TGI de Nice, 14 février 2019

→ Relaxe d’une plainte pour injure publique par le préfet des Alpes-Maritimes contre Cédric Herrou

Cédric Herrou était poursuivi pour injure publique par le préfet des Alpes-Maritimes pour avoir fait un parallèle entre le traitement des migrants et celui des Juifs sous l’Occupation.
Le préfet lui reprochait  d’avoir écrit sur sa page Facebook les 12 et 13 juin 2017 : « Peut-être le préfet des Alpes-Maritimes pourrait-il s’inspirer des accords avec la SNCF pendant la deuxième guerre pour le transport des juifs pour gérer le transport des demandes d’asile… ».
Or, le 11 juin 2017, l’accès au train de plus d’une centaine d’exilés pour déposer leur demande d’asile ou pour d’autres démarches à la préfecture des Alpes-maritimes avait été bloqué par la police ferroviaire ainsi que par la gendarmerie mobile, un dispositif jusqu’alors jamais vu en gare de Breil sur Roya.

→ Regard de Cédric Herrou avant le délibéré Communiqué de « Défends ta citoyenneté »

C. Entrave à la circulation d’un aéronef

1. Condamnation

  • TGI de Brest, 8 janvier 2019

Vol d’Air France Brest-Paris du 13 mars 2018. Avant l’embarquement, l’association Zéro personne à la rue distribue des tracts alertant les passagers de la reconduite dans leur pays de deux Soudanais par ce vol et les incitant à ne pas accrocher leur ceinture de sécurité, ce qui empêchera le décollage.

« Je voulais m’opposer à l’évacuation de ces réfugiés, confie cet homme de 48 ans. Je n’ai pas réfléchi aux conséquences de mon geste. J’avais conscience d’empêcher l’avion de décoller, mais ne savais pas que je risque 5 ans de prison. »

La procureure évoque « la posture militante de ce père de famille qui a aujourd’hui une attitude plus adaptée. Je demande une amende de 4 400 € à son encontre ». La défense évoque justement l’adoption « de deux enfants de Haïti. Cet homme connaît la situation difficile de certains ressortissants et je crois que tout cela a joué. Il a voulu faire preuve d’humanité et de solidarité ».

Le tribunal le condamne à verser un euro symbolique à Air France. Il devra, en outre, s’acquitter d’une amende de 4 400 € et payer 350 € de frais de justice ». (Ouest France).

2. Relaxe

  • TGI de Bobigny, 22 février 2019 

Été 2018, vol Air France Paris-Erevan, une famille part en vacances ; Caroline s’indigne contre des violences policières sur une personne expulsée. Elle est poursuivie pour entrave à la circulation d’un aéronef. Air France n’avait pas porté plainte.

Lire son témoignage

Remarque : Lors de la même audience deux autres personnes étaient poursuivies pour des faits analogues sur un vol Air France Paris-Dakar : récit des trois audiences dans Bondyblog, Pas de précision sur la décision.

D.  Usurpation de fonction

Contexte : RESF dénonce sans cesse le fait que certains mineurs non accompagnés pris en charge par l’ASE et dont la minorité est étudiée ne sont pas scolarisés, et ceci parfois pendant de longs mois. Ces derniers sont hébergés dans des hôtels, privés de liens sociaux, et bénéficiant d’un accompagnement réduit au strict minimum. Cette situation leur coûte un temps précieux pour leur intégration et avenir.

Chantal, membre du RESF Vaucluse prend l’initiative en 2017 d’ inscrire au lycée professionnel de Vedène un mineur étranger isolé, alors que ce jeune était confié à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) – qui ne s’occupait pas de sa scolarisation. Depuis, le jeune mineur étranger a poursuivi sa scolarité dans ce lycée avec succès. Ses frais de scolarité ont été pris en charge par des militant.e.s de RESF. Sa minorité, remise en cause par le Département, a finalement été reconnue par le juge des enfants saisi sur son cas. Il est maintenant en apprentissage d’un métier qui lui plaît et il a obtenu un titre de séjour.

Mais, entre temps, l’ASE allègue que la militante s’est faite passer pour la représentante légale de ce garçon et qu’elle a agi à l’insu du Conseil départemental et à son préjudice et à celui du lycée. Le Conseil départemental a porté plainte pour « usurpation de fonction ».

  • TGI d’Avignon, 12 juin 2019

→ Relaxe

E. Faux et usage de faux

7 ans de procédure pour deux attestations d’hébergement

Cette histoire est emblématique du harcèlement judiciaire dont un « délinquant solidaire » peut être victime. Même lorsqu’une poursuite aboutit à une relaxe ou à une faible peine, cela ne se produit au mieux qu’au bout d’un an ; puis, fréquemment, le procureur (ou l’intéressé⋅e) fait appel, etc. Il s’ensuit donc dans tous les cas une longue période d’incertitude et de fragilité sociale.

  • Pour Léopold, il s’agit de 7 ans pour deux attestations d’hébergement ! Membre de la LDH, il avait fait en 2011 puis renouvelé en 2012 une attestation d’hébergement pour permettre à une personne d’engager une procédure. Il s’en est suivi une interminable procédure pour « faux et usage de faux ». Condamné en 2013 à une amende de 500€ avec sursis voici la dernière étape :
  • Cour d’appel d’Amiens, 3 septembre 2018

→ Retour à la case départ (500€ avec sursis) !

F. Intrusion non autorisée dans l’enceinte d’un établissement scolaire

  • TGI de Valence, 4 juin 2019

Un militant du collectif « Pas d’enfant à la rue à Valence » s’était introduit dans la fac de Valence le 10 janvier 2019 pour abriter pour la nuit une dizaine de demandeurs d’asile, dont des enfants.

Il a bénéficié d’une relaxe, parce que l’université de Grenoble ne peut être considérée comme un établissement scolaire » (Le Dauphine.com, 4 juin 2019).

G. Dégradation ou détérioration volontaire d’un bien d’autrui

  1. Une condamnation

Quatre personnes étaient  prévenues pour avoir « dégradé ou détérioré volontairement un bien, en l’espèce des affiches publicitaires et des panneaux publicitaires, appartenant à JC Decaux, en ne causant qu’un dommage léger ». Elles avaient remplacé certaines des affiches par des poèmes, dessins et slogans de solidarité avec les personnes migrantes. JC Decaux avait porté plainte.

  • TGI de Montpellier, 14 juin 2019

→  Les quatre militant.e.s ont été déclarés coupables et condamnés à payer collectivement 1773 € de dommages et intérêts au groupe JC Decaux.

  1. Une relaxe

3 pères de familles roumaines et 2 de leur soutiens poursuivis pour « destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui ». Ils avaient tenté d’entrer dans un immeuble pour mettre à l’abri les familles alors que les températures étaient négatives (en novembre 2017).

  • TGI de Saint-Étienne, 5 juillet 2018

→ Relaxe

  1. Sanction professionnelle pour contribution à « l’envahissement par des personnes extérieures à l’administration »

Dans le cadre d’une campagne « Pour la régularisation de tous les sans-papiers, contre le travail dissimulé », les locaux de la DIRECCTE d’Île de France ont été occupés le 6 juillet 2017 à l’initiative de l’Association Droits Devant !!, le Collectif des Travailleurs Sans-Papiers de Vitry ; la Coordination des Sans-Papiers 93. Par un arrêté du 13 octobre 2017, la ministre du travail prenait une sanction de blâme à l’encontre d’une contrôleuse du travail et d’un inspecteur du travail rattachés à cette DIRECCTE en invoquant une contribution à « l’envahissement par des personnes extérieures à l’administration« , à une « perturbation délibérée » du fonctionnement de la DIRECCTE et aux troubles causés aux agents.

Ces deux fonctionnaires affirmaient pourtant n’avoir en rien contribué à cette action comme le confirment les trois organisations de sans-papiers qui en assument pleinement l’initiative par deux lettres analogues adressées le le 10 août et le 7 septembre 2017 à la direction des ressources humaines du ministère. En revanche, en tant qu’adhérentes du syndicat CGT TEFP (Travail Emploi Formation Professionnelle), elles ont joué un rôle de médiation entre les travailleurs migrants et l’administration, conforme à leur mandat syndical.

→ Annulation des sanctions

« Ni le courrier du 26 juillet 2017 dans lequel la directrice régionale de la DIRECCTE Ile-de-France se borne à énoncer les griefs reprochés aux intéressés, ni le courrier du 24 novembre 2017 dans lequel la sénatrice du Val-de-Marne indique que Mme … et M. … sont intervenus dans le cadre de leur mandat syndical ne permettent d’établir qu’ils ont personnellement favorisé l’envahissement des locaux par les personnes extérieures au service. Si l’article publié sur le site de Médiapart le 7 novembre 2017 mentionne le rôle actif qu’ils ont joué dans la phase de dialogue avec la direction – rôle de médiateur qui n’est pas contesté par les intéressés – il ne permet pas plus d’établir qu’ils ont aidé les membres des collectifs à s’introduire dans les locaux. Dans ces conditions, Mme L. et M. D. sont fondés à soutenir que les décisions de sanction prises à leur encontre reposent sur des faits matériellement inexacts. »

IV. Et, à défaut de pourvoir engager des poursuites, harcèlements et autres intimidations

Communiqué de l’association Roya citoyenne (25 mars 2019)

Mercredi 13 mars 2019 à l’aube, sept personnes, dont 3 membres du Conseil d’administration de l’association Roya citoyenne, sont interpellées dans un déploiement inouï de forces de police armées, pour certains devant des enfants en bas âge affolés. Cette opération a été menée sur commission rogatoire d’un juge d’instruction de Nice par l’Office Central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titres, qui a dépêché une soixantaine de gendarmes des brigades de Eze, Menton, La Turbie, Cap d’Ail, La Trinité, Villeneuve-Loubet…

Plus de 30 heures de garde à vue pour « aide à l’entrée et au séjour irrégulier », des interrogatoires sans fin révélant des placements sur écoutes de plusieurs d’entre eux depuis bientôt un an, des perquisitions accompagnées de chiens, avec saisies des ordinateurs de la trésorière et de la chargée de communication, ainsi que de son téléphone portable, de pièces comptables, manifestement à la recherche d’une incrimination pour « bande organisée » pour, in fine, des libérations sans suite… L’enquête se poursuit néanmoins ! De toute évidence, les pouvoirs publics visent à rendre impossible le fonctionnement de l’association.

Au delà de la « pénalisation protéiforme de l’aide aux exilés[2]» abordée dans les sections précédentes, cette rafle spectaculaire n’est qu’un exemple des multiples moyens mis en œuvre pour priver les étrangers en situation irrégulière de toute forme de soutien en harcelant les associations et les particuliers qui cherchent à les aider.

Ce serait peine perdue de prétendre en présenter un bilan quelque peu significatif… Voir notamment :

Amnesty international, La solidarité prise pour cible – Criminalisation et harcèlement des personnes qui défendent les droits des migrant⋅e⋅s et des réfugié.es dans le nord de la France – juin 2019

Anafé, Persona non grata – Conséquences des politiques migratoires à la frontière franco-italienne, Rapport d’observation 2017-2018

Auberge des migrants, Utopia 56, Help refugees, Refugee info bus, Calais : le harcèlement policier des bénévoles , rapport détaillé pour la période 1er novembre 2017- 1er juillet 2018.

[1] Voir sur www.gisti.org/delits-de-solidarite l’article consacré à ces condamnations.

[2] Défenseur des droits, Exilés et droits fondamentaux rois ans après le rapport Calais, Décembre 2018

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